Voyages d\\\'Ici et d\\\'Ailleurs

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Bocage ( partie I )

                Bocage

 

 

Il s'appelait Bocage. Elisée Bocage ressemblait à ces esclaves d'antan qui, sous leur chapeau de paille, oeuvraient dans les champs de canne à sucre avec leur coupe-coupe. L'île de La Réunion est riche de ces hommes au visage sculpté dans la sueur et le soleil. Bocage, un jardinier Marron,  errant mais non affranchi.

Ma première grande leçon d'humanité, je l'ai reçue à travers Bocage. Et sa peau, semblable au tamarin, je ne l'oublierai jamais.

 

 

 Nous vivions confortablement mais sans excès dans une maison de plein-pied. Ni trop grande, ni trop petite pour une famille de cinq personnes. La lumière y entrait aussi facilement le jour que les petits margouillats la nuit. Des bananiers, une haie d'hibiscus ainsi qu'une vigne et un palmier finissaient de planter le décor de notre jardin encore sauvage.

Nous n'avions jamais songé à embellir ce grand jardin depuis notre arrivée sur l'île. Mes frères et moi préférions jouer dans les manguiers,

 l' étang aux poissons visqueux ou encore parmi les grenadiers et autres cocotiers. A vrai dire nous passions le plus clair de notre temps à entretenir un jeu de guerre avec de lointains voisins. Séparaient nos camps adverses un long chemin caillouteux, la brousse et des champs de coton. Un terrain vague sur lequel sommeillait un vieux car de CRS abandonné nous tenait lieu d'avant-poste. Nos jeux d'enfants se déployaient donc hors de la vue des adultes pour notre plus grand plaisir.

 

 Un jour, en me rendant au terrain vague comme chef pour déclarer la guerre contre un certain Hervé, je vis un homme parler à un grillage. Il était maigre, pas très grand et le visage sombre. Je me souviens qu'il parlait au grillage en créole et qu'il semblait tenir une conversation concernant les misères de sa vie. Au silence du tas de ferraille, l'homme passa son chemin en titubant.

   Cet homme, je le revis travailler dans le parc d'une grande demeure. Habitait ici une chinoise d'un certain âge. Elle était manifestement aisée mais veuve avec trois enfants dont deux comptaient parmi nos alliers contre Hervé, ses frères et sa ribambelle de cousins. Je me souviendrai toujours de la prestance de cette dame. Tout comme sa maison, madame Wong impressionnait par ce qu'elle donnait à voir. Elle mettait presque mal à l'aise ses visiteurs petits ou grands. Lorsque nous prenions notre goûter chez elle, à l'ombre d'une grande terrasse, j'observais le jardinier étancher sa soif dans une gamelle en fer. Il était sur la première marche des escaliers extérieurs. Le soleil cognait si fort.

 

 

    _ Comment tu t'appelles ? Lui demandai-je en m'asseyant à ses

         côtés

    _ Bocage. Me, répondit-il, calmement.

    _ Nous aussi on a un jardin. Mais il est plus petit et pas très

       beau.  On ne joue pas dedans. Un jour, est-ce que tu viendras

       jardiner à la maison ?

 

  Quelques jours plus tard, Bocage se présenta à la barrière de notre maison. Mes parents avaient l'habitude que je ramène des oisillons blessés dont je m'occupais assidûment jusqu'à leur envol. C'était la première fois que je leur adressais un homme mais ils n'en furent pas vraiment étonnés. Sans m'en apercevoir, j'avais embauché Bocage. Il venait donc s'assurer qu'on l'attendait bien au 6 bis chemin du Moulin Joli, la maison des Zoreilles.

 

 

 

 

 

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09/09/2008
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