Voyages d\\\'Ici et d\\\'Ailleurs

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S'envoler un jour

 

 

Le dimanche, j'habite dans un arbre.

Mes frères et moi avons élu domicile dans un arbre enraciné à côté de la maison. Ici, c'est comme un grand verger libre de ses mouvements. Il y a des grenadiers, des Jaquiers, des bananiers et encore d'autres arbres sur lesquels je ne m'attarde pas vraiment mais qui me protègent du monde. Notre arbre est grand. Seules ses branches constituent la paroi imaginaire entre l'intérieur et l'extérieur de notre enfance.  J'y reste perchée des heures à rêver que je suis tantôt un singe, tantôt un fauve allongé sur une longue branche pour y faire sa sieste.

 

Il n'y a de prédateurs que de  lointains voisins avec qui nous jouons parfois. Ils ne s'aventurent pas souvent jusqu'ici. Ici, c'est notre territoire. L'intérieur de notre peau. Pour nos batailles de chefs de bandes le terrain vague reste notre lieu privilégié. Tant mieux, j'ai besoin de paix. Je suis chef de bande moi aussi et j'ai besoin de calme pour réfléchir. Comment embêter des garçons plus grands et plus forts que nous ? Comment les empêcher de nous piquer notre vieux car de CRS endormi pour toujours au terrain vague ? Ils sont trois grands et nous sommes cinq petits.

 

Aujourd'hui, il fait très chaud. Trop chaud pour prendre nos vélos et nous rendre au terrain vague. Peut-être même que les lézards ne supportent plus la chaleur et se cachent sous les pierres. Alors, je reste dans mon arbre. J'écoute la chaleur, j'entends le bois craquer, la brousse cuire dans l'accablement. J'entends un petit frère appeler à l'aide.

 

Descendue de mon perchoir, je cherche dans le verger cette créature toute petite. Elle est dans la détresse et je ne la vois pas. J'ai peur de l'écraser.  Il me faut me courber un peu plus et aiguiser calmement mes oreilles afin de bien m'orienter.

Je l'ai trouvée !

C'est un oisillon tombé du nid. Il ne sait pas encore voler et sa première tentative ne lui a pas du tout réussi. Il a une aile ouverte et l'autre repliée. Il boite, le pauvre.

 

Dans ma chambre, une grande boîte à chaussures fait office d'hôpital pour mes petits frères. C'est un hôpital à une place. Je n'ai qu'un seul patient à chaque fois sur cette île. Il y a du coton, des feuilles et des brindilles pour qu'ils se souviennent.

Ce petit recueilli à l'instant se souviendra lui aussi qu'il devra partir.

 Berlioz, le chat, regarde mon protégé, incrédule. Il est d'accord pour le laisser tranquille. Maman me laisse aussi à mes affaires. Elle connaît mon univers.

Les oiseaux que j'accueille ici sont servis au lit douillet. Plat de vers de terre bien frais pour une reprise de forces rapide. Je pose une main sur son aile en souffrance. La nature est bien faite.

Accrochée à une branche, je regarde le sol et m'imagine à la place d'une si petite créature. Tomber de si haut ! Quelle mésaventure !

 

L'oisillon est guéri.  Avant de le laisser partir, je le jette sur mon lit pour savoir s'il est prêt à s'envoler. Un, deux puis trois essais suffiront pour que l'oiseau s'évade par la fenêtre. Voilà un de mes petits frères avec qui je pourrai siffler dans les arbres. Je suis heureuse.

Moi aussi je m'envolerai un jour.

 

 

                                                                                            Adi

 

03.03.2009


04/03/2009
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